La publicité numérique est tout simplement un produit plus avantageux que les médias traditionnels pour les annonceurs : ciblée et mesurable, elle génère de meilleurs rendements sur investissements. Surtout, elle contribue à « démocratiser » la publicité en permettant à la longue cohorte des petites et moyennes entreprises, incapables de financer une campagne à la télévision ou dans la presse nationale, d’attirer de nouveaux clients et d’enrichir leur relation avec leurs clients existants.
Pour cette catégorie d’entreprises, la publicité n’a jamais joué un rôle aussi important qu’au cœur de la crise sanitaire : les magasins étant fermés, les « coûts d’acquisition de clients » se sont naturellement substitués aux prix des loyers. Que vous vendiez des chapeaux, des hamburgers ou des hôtels, sans présence sur Internet, vous n’êtes rien. Aux Etats-Unis, la pénétration du commerce électronique demeure relativement faible par rapport à la Chine ou au Royaume-Uni, d’où l’existence d’un potentiel de croissance robuste au cours des prochaines années. Et compte tenu du contexte réglementaire actuel et des craintes entourant la confidentialité, les propriétaires de données personnelles (encore une fois Facebook, etc.) disposent d’une forte avance sur la concurrence.
L’argument baissier consiste à dire que d’ici quelques années, la publicité numérique représentera presque la totalité du marché, et que son taux de croissance convergera donc avec ceux des autres médias, entraînant un ralentissement de l’activité des « Big 3 ». De notre côté, nous pensons que ce thème vivra « plus longtemps et plus fort », et que la taille du marché est sous-estimée : en effet, les budgets marketing non mesurés (des activités de support des ventes non couvertes par la définition traditionnelle des médias, comme le sponsoring sportif, les coupons ou encore les stylos Columbia Threadneedle) sont de plus en plus assimilés à l’univers plus mesurable de la publicité numérique. Nous pensons que ce segment bénéficie de perspectives de croissance telles qu’il pourrait multiplier par deux la taille du marché total, la portant à 1.300 milliards de dollars.
Mais, avons-nous même une idée de ce qu’est la moyenne ? Pendant la plus grosse partie de l’histoire de l’humanité, la valeur du pétrole était nulle. Pas question d’insinuer que ce pourrait de nouveau être le cas, quelle que soit la vitesse du développement des véhicules électriques ; néanmoins, de la même manière, il serait déraisonnable de penser que la demande en pétrole continuera de croître selon un rapport à l’économie qui serait le même que par le passé. D’autres sources de carburant sont disponibles. Evidemment, dans les années 20, des maréchaux-ferrants pensaient que l’automobile et le tracteur ne seraient que des passades, et ils avaient tort : c’est l’essence même de la « destruction créatrice » évoquée pour la première fois par l’économiste autrichien Joseph Schumpeter. De nombreux secteurs connaissent grandeur et décadence ; mais cette fois, l’essor de la publicité numérique est tel que l’on devrait peut-être parler de « destruction des créatifs », tout autant que du fameux concept inauguré par Schumpeter.