Le marché du crédit investment grade (IG) a enregistré des rendements largement négatifs et les spreads se sont sensiblement creusés au cours du premier trimestre, mais les valorisations du marché IG sont désormais bien plus intéressantes qu’en début d’année. Nous avons entamé l’année avec un positionnement prudent de nos portefeuilles IG. Alors que nous examinons une nouvelle fois les valorisations et les politiques appliquées pour faire face à la crise du COVID-19, nous sommes désormais plus optimistes quant aux perspectives futures du marché.
Revue de marché pour le T1
La probabilité d’une récession économique dans de nombreux marchés développés dans le sillage des fermetures économiques et mesures de confinement liées au COVID-19 s’est traduite par un regain d’aversion au risque et des marchés moins liquides, avec à la clé un creusement considérable des spreads de crédit.
Les performances hétérogènes des marchés attestent d’une dislocation. Sur le marché en USD, les spreads se sont élargis, les obligations d’échéance courte enregistrant des résultats particulièrement médiocres tandis que le crédit de qualité supérieure (AAA par ex.) sousperformait la dette moins bien notée, en pourcentage comme en termes ajustés des risques. Sur le plan sectoriel, les segments plus cycliques comme l’automobile, l’énergie, le transport et les loisirs ainsi que les détaillants hors alimentation ont été particulièrement affectés. Les secteurs moins sensibles au cycle économique, tels que les services aux collectivités et les télécommunications, ont pour leur part enregistré de meilleures performances.
Il y a une semaine, dans le sillage de mesures politiques spectaculaires (tant budgétaires que monétaires) dont la rapidité, la portée et l’ampleur ont impressionné les marchés, ces derniers ont repris des couleurs tandis que les segments affaiblis mentionnés ci-dessus ont été les premiers à enregistrer un resserrement des spreads à l’approche de la fin du mois.
Tout ceci s’inscrit dans un contexte de nouvelles émissions plus nombreuses, de niveaux de souscription corrects et de primes de nouvelle émission attrayantes. La liquidité est bien entendu une arme à double tranchant : les opérateurs qui, il y a une semaine environ, ne pouvaient ou ne voulaient pas acheter d’obligations, rechignent en cette fin de trimestre à proposer des stocks qu’ils pourraient peiner à remplacer.
Activité et perspectives
Les spreads mondiaux se situent désormais à quelque 2,5 écarts-types de la moyenne à long terme (20 ans), contre -0,5 écart-type environ fin 2019.
Parallèlement, les mesures politiques décrites ci-dessus permettront d’atténuer l’impact des interruptions majeures (quoique temporaires) qui paralysent la production économique et l’emploi. Plus précisément, une grande partie de ces mesures prises visent à maintenir les possibilités de crédit ouvertes. Les décideurs politiques souhaitent éviter un choc économique qui se muerait en crise financière. Des mesures telles que les achats directs d’obligations d’entreprises IG par la Réserve fédérale américaine sont pensées pour les spreads de crédit.
Les agences de notation de crédit ont également réagi rapidement, et le spectre de possibles nouvelles dégradations hantera le marché durant les mois à venir. Il convient toutefois de noter que les autorités ont demandé aux banques et à certaines entreprises de suspendre les versements de dividendes ainsi que les rachats d’actions, ce qui soutient le crédit dans un contexte de confinement.
En bref, nous estimons actuellement que les spreads offrent une rémunération généreuse face à la montée du risque de crédit.
Nous avons entamé l'année avec un positionnement prudent au sein de nos portefeuilles
Le montant du risque de crédit, en termes absolus et relatifs, était nettement inférieur à celui observé un an auparavant. Nous avons privilégié les secteurs défensifs de fin de cycle, y compris les infrastructures et les services aux collectivités réglementés ainsi que les entreprises dont la note de crédit s’est améliorée (par ex. AT&T, Verizon, GE, Fidelity National AB InBev Bacardi et Becton Dickenson) dans les segments présentant une cyclicité inférieure.
Alors que nous examinons une nouvelle fois les valorisations et les mesures appliquées en réponse à la crise, nous sommes désormais plus optimistes quant aux perspectives du marché
Il nous semble que les rendements potentiels compensent bien le risque d’investissement. Aux niveaux de spreads actuels, la rémunération offerte par les marchés aux investisseurs est notamment plusieurs fois égale aux niveaux observés lorsque les taux de défaut atteignaient des plus hauts historiques. Nous accentuons par conséquent l’exposition au risque de crédit au sein de nos portefeuilles. Nous avons renforcé le bêta des portefeuilles : alors que nous avions adopté un positionnement prudent en début d’année, le bêta est désormais supérieur à celui de l’indice.
Au vu des conditions de liquidité difficiles, nous avons exprimé ce positionnement via des segments du marché qui nous permettent de nous exposer au risque sans devoir payer le prix fort. Citons par exemple le marché des dérivés de crédit et, plus récemment, de nouvelles émissions aux valorisations intéressantes (par ex. P&G, Microsoft, Intel et AB InBev).
Synthèse de la performance
D’une manière générale, les portefeuilles IG long-only européens et mondiaux ont engrangé de belles performances pour les raisons citées ci-dessus.
Les stratégies britanniques à court terme font en revanche partie des segments moins performants. Nous présentons généralement des niveaux de risque de crédit élevés en raison des caractéristiques propres à ce marché (notamment l’effet « pull to par », à savoir la tendance du cours d’une obligation à se rapprocher de sa valeur nominale à mesure que l’échéance se rapproche). Le crédit à court terme s’est également distingué par une performance médiocre en termes ajustés des risques, les investisseurs ayant recherché de la liquidité. Les interventions de la Fed ciblent délibérément les obligations d’échéance plus courte ; cette tendance s’est donc quelque peu inversée et le phénomène devrait se poursuivre alors que nous entamons le deuxième trimestre.
La période s’est avérée ardue pour nos stratégies de rendement absolu. Avant le début de l’année, nous avions réduit le risque au sein des portefeuilles pour le ramener à la moitié environ du risque de crédit de notre univers de placement. L’IG mondial a enregistré des rendements totaux de quelque -12% et le haut rendement européen d’environ -14% sur le trimestre : tel est le contexte dans lequel nous avons dû évoluer.