Avec son plan en faveur
de l’emploi aux Etats-Unis
(American Jobs Plan), le
président Joe Biden entend
tenir ses promesses de
campagne sur le changement
climatique – pour peu que le
Congrès adopte ce plan
Les premiers mois de Joe Biden à la
Maison-Blanche reflètent pleinement
l’engagement de son administration à
opérer une transition vers une économie
sobre en carbone. Les Etats-Unis ont
réintégré l’accord de Paris et annoncé
récemment un objectif extrêmement
ambitieux : réduire de moitié leurs
émissions de CO2 d’ici 2030.1
Avec ce projet de loi phare dévoilé
en mars, intitulé American Jobs Plan2
(ou encore « programme
d’infrastructures ») et doté d’une
enveloppe de 2.250 milliards de
dollars, Joe Biden tient ses promesses
de campagne sur le changement climatique et va même plus loin que
prévu dans certains domaines.Ce projet de loi sur les infrastructures
prévoit également un soutien aux
technologies bas carbone et la fixation
d’objectifs relatifs au changement
climatique.
Joe Biden a dévoilé un large éventail
de propositions de dépenses et
d’incitations fiscales, le plus souvent
étalées sur une période de huit ans.
Ces mesures sont axées sur les
infrastructures, l’adaptation au climat
et les initiatives sociales. De manière
générale, le plan vise à améliorer les
infrastructures, créer des emplois,
encourager l’innovation et accélérer
la transition vers une économie
décarbonée.
Il fixe trois priorités pour
encourager la transition énergétique :
l’accélération de l’essor des énergies
propres, l’électrification du transport
et la rénovation des bâtiments qui
consomment beaucoup d’énergie.
Même si la Maison-Blanche devra faire
des concessions pour obtenir l’aval du
Congrès, l’adoption de ce plan devrait
accélérer la transition énergétique aux
Etats-Unis, avec des répercussions
favorables sur la croissance à long
terme des secteurs qui contribueront
à la décarbonation de l’économie
américaine.
Mettre le turbo sur les énergies propres
Le plan prévoit notamment de
décarboner totalement la production
d’électricité d’ici à 2035, ce qui était
une promesse de campagne de Joe
Biden. Pour ce faire, l’administration
Biden propose des incitations fiscales
étonnamment généreuses pour les
énergies renouvelables et le captage/
stockage de CO2, ainsi que 100 milliards
de dollars d’investissements pour la
modernisation du réseau d’électricité.
La prorogation de dix ans des crédits
d’impôt pour l’éolien, le solaire et les
piles à combustible va bien plus loin
que les deux années d’incitations
fiscales créées en décembre 2020.
Cette proposition est de nature
à accélérer la transition vers les
énergies propres. Les promoteurs
de nouveaux projets d’énergies
renouvelables seraient en mesure de
réaliser immédiatement la valeur au
comptant des crédits d’impôt, gonflant
ainsi leurs flux de trésorerie.
Les
opérateurs de services aux collectivités
pourraient également en profiter,
indirectement, car les crédits d’impôt
vont probablement réduire le coût des énergies renouvelables pour les
consommateurs. Lorsque la facture
énergétique des ménages diminue, les
relations entre les opérateurs et les
autorités de réglementation au niveau
des Etats se détendent, favorisant ainsi
une augmentation des investissements
par les opérateurs et, in fine, une
accélération de la croissance.
Les
opérateurs de services aux collectivités
pourraient également en profiter,
indirectement, car les crédits d’impôt
vont probablement réduire le coût des énergies renouvelables pour les
consommateurs. Lorsque la facture
énergétique des ménages diminue, les
relations entre les opérateurs et les
autorités de réglementation au niveau
des Etats se détendent, favorisant ainsi
une augmentation des investissements
par les opérateurs et, in fine, une
accélération de la croissance.
Les 100 milliards de dollars
affectés à la modernisation du
réseau d’électricité, qui sont de
nature à soutenir les dépenses
d’investissement, sont également
une aubaine pour les opérateurs.
Le plan proposé par Joe Biden
fait spécifiquement référence aux
investissements dans le transport
d’électricité car il faut des lignes
à haute tension pour transporter
l’électricité verte depuis les parcs
éoliens ou solaires jusqu’aux
centres de distribution.
De plus, les
éventuelles mesures visant à fluidifier
le processus de sélection des sites
d’implantation pour les projets de
transport d’électricité encourageront
la réalisation de nouveaux projets.
Ce programme d’investissement
de grande envergure semble de
bon augure pour les fabricants d’équipements électriques, ainsi que
pour certaines entreprises d’ingénierie
et de construction.
Cependant, il fera aussi des perdants :
le plan de Joe Biden abolira les
subventions aux énergies fossiles qui
reviennent aujourd’hui aux compagnies
pétrolières et gazières. Toutefois, cela
n’est pas une surprise.
Développer le transport propre
S’agissant du transport propre, le plan
de Joe Biden met notamment l’accent
sur la fabrication de VE aux Etats-Unis.
Il prévoit d’affecter 174 milliards de
dollars à ce secteur, entre autres pour
l’installation de 500 000 bornes de
chargement d’ici 2030, un chiffre un
peu plus ambitieux que prévu. Si l’on
y ajoute une possible subvention de
7.500 dollars pour les ménages qui
achètent un VE fabriqué aux Etats-Unis,
le coup de pouce pourrait s’avérer
significatif : en plus de dissiper le
scepticisme des automobilistes quant
à l’infrastructure de chargement, les
mesures rendraient les VE compétitifs
en termes de prix par rapport aux
véhicules thermiques.
La combinaison
de ces deux mesures a amené
Columbia Threadneedle à relever de
15 à 30% ses prévisions pour la
demande annuelle de lithium entre
2021 et 2025 et pourrait soutenir les
entreprises positionnées pour faire
face à cette demande accrue.
Le plan prévoit également d’affecter
111 milliards de dollars aux
infrastructures hydrauliques,
notamment pour moderniser les
réseaux vieillissants, ainsi que des
investissements pour moderniser
les réseaux de transports publics
et de chemins de fer et améliorer la
résilience des infrastructures critiques
face aux conséquences du changement
climatique. Les investissements dans
les ports et les aéroports visent à
faire des Etats-Unis un leader mondial du transport de marchandises et du
transport aérien propres, tandis que
l’investissement dans les infrastructures
hydraulique peut donner un coup de
pouce aux entreprises dont les produits
permettent l’acheminement, la filtration
et le traitement de l’eau de manière
efficiente.
Les 25 milliards de dollars
de crédits budgétaires alloués aux
aéroports et les 17 milliards de dollars
affectés aux voies navigables, conjugués
à d’autres dépenses d’infrastructure
plus traditionnelles, devraient profiter
aux entreprises spécialisées dans les
équipements de construction.
Par ailleurs, les 85 milliards de dollars
affectés aux transports publics et les
80 milliards de dollars alloués aux
chemins de fer aideront les entreprises
de livraison et les compagnies de
chemin de fer à renouveler leur flotte
pour satisfaire aux exigences du
transport propre.
Rendre les bâtiments économes en énergie
Le plan Biden propose de consacrer
213 milliards de dollars à l’amélioration
de l’efficacité énergétique des
bâtiments, concrétisant là encore
une promesse de campagne. Les
bâtiments représentent environ 10%
des émissions de CO2 aux Etats-
Unis et un tiers de la consommation
d’énergie du pays, selon l’Agence
américaine d’information sur l’énergie
(EIA)3
Les crédits budgétaires seront
affectés à la rénovation de deux
millions de logements sociaux, à la
construction de 500.000 nouveaux
logements et à la réalisation de travaux
d’économie d’énergie dans plus d’un
million de logements.
Ces objectifs seront atteints au moyen
de la prolongation et de l’élargissement
des crédits d’impôt pour l’efficacité
énergétique des logements et des
locaux commerciaux, sans oublier la
création d’une banque verte (« Clean
Energy and Sustainability Accelerator »)
dotée de 27 milliards de dollars, qui aura pour objectif de mobiliser
l’investissement privé. L’administration
Biden propose également des projets
de rénovation énergétique des
bâtiments publics.
Cet effort d’amélioration de
l’efficacité énergétique du parc
immobilier aux Etats-Unis profitera
notamment aux entreprises
spécialisées dans le chauffage,
la ventilation et la climatisation.
Ces dernières joueront un grand rôle
dans les rénovations en réduisant
significativement la consommation
d’électricité et en remplaçant les
fluides réfrigérants nocifs.
Dans l’attente de l’aval du Congrès
En l’état actuel, le plan Biden marque
un virage significatif par rapport à la
politique de l’ancienne administration.
On notera tout de même l’absence de
certaines mesures promises durant la
campagne présidentielle, comme des
projets concrets dans le domaine de
l’hydrogène vert, et de précisions sur
les modalités de décarbonation de
l’agriculture. S’il est mis en oeuvre,
ce plan devrait accélérer le
verdissement de la production
d’électricité, du transport et des
bâtiments aux Etats-Unis.
Encore faut-il qu’il le soit. Il revient
désormais au Congrès de traduire
ce plan en projet de loi. Il est fort
probable que certaines dispositions
ne soient pas adoptées ou soient
amendées.