Il est fondamental de trouver le bon équilibre entre les aides à court terme et les dépenses d’infrastructure à long terme.
L’été dernier, au plus fort de la crise de Covid-19, j’ai acheté et monté une balançoire pour mes petits-enfants. Le montage a été raisonnablement facile et, détail remarquable pour un produit en kit, tous les trous et tous les boulons et autres s’alignaient parfaitement. Les lecteurs avisés auront compris où je veux en venir avec cet exemple : la balançoire est une métaphore de l’économie, de la reprise et de l’expansion de l’activité économique qui a suivi grâce aux mesures de relance supplémentaires mises en place par l’administration Biden. Mais laissez-moi vous expliquer tout cela un peu plus en détail.
Se balancer jusqu’à l’équilibre
Une balançoire est une sorte de pendule avec un point d’appui évident. C’est très pratique, car mes petits-enfants peuvent facilement y monter. Au début, les enfants se contentaient de se balancer doucement d’avant en arrière, mais assez rapidement, ils ont commencé à vouloir aller plus haut. J’ai bien volontiers obtempéré. Après tout, à quoi bon se contenter d’aller doucement ? Alors j’ai poussé plus fort. En observant les réactions des enfants, j’ai pu dégager trois observations :
- Des enfants qui hurlent
- Une grand-mère qui fait les gros yeux
- Le cadre de la balançoire qui bouge légèrement. Ce système n’était pas à l’équilibre.
Dans ce message, je vais me concentrer sur le troisième point, car en cherchant à résoudre ce problème, on s’attaque également aux deux premiers.
Un pendule, dans notre exemple, une balançoire, a une fourchette de déplacement naturelle appelée oscillation. Celle-ci dépend principalement de la longueur de la corde (c’est-à-dire les chaînes qui relient le siège et la poutre). En cédant à la demande des enfants pour aller plus haut, j’ai apporté de l’énergie supplémentaire qui a étendu l’ampleur naturelle du déplacement en poussant plus fort. A défaut d’une mesure précise et comme je n’ai pas allongé les chaînes de la balançoire, le système est devenu légèrement instable. J’ai pu contrer cette légère instabilité en renforçant les points d’ancrage du cadre. Toutefois, ce faisant, je n’ai pas résolu le problème, mais je me suis contenté de le masquer.
Le système de la balançoire cherchait à se débarrasser de l’excédent d’énergie que j’avais introduit et il le faisait au travers d’un processus appelé « amortissement ». En limitant sa capacité d’amortissement, j’avais déplacé la pression sur une autre partie du cadre. Malheureusement, les conséquences d’une telle mesure ne sont pas forcément visibles immédiatement.
Risque d’inflation
Comme ma balançoire, l’économie affiche une fourchette naturelle pour l’activité et le taux de croissance. Le taux de croissance d’équilibre dépend de la quantité de travail disponible et du capital utile à disposition du travail pour gagner en efficacité. La productivité du travail dépend de moyens de transport efficaces, d’un approvisionnement énergétique fiable, de bureaux/d’usines bien équipé(e)s et de systèmes d’éducation et de santé de qualité élevée. Alors que nous émergeons de cette période de pandémie, nous devons mettre l’accent sur des investissements qui peuvent augmenter la production économique, sans quoi nous risquons de provoquer l’instabilité. Comme pour la balançoire, la pression ne sera pas visible tout de suite, mais elle apparaîtra le plus probablement sous forme d’inflation.
Le niveau de l’épargne personnelle dans l’économie est déjà élevé, même si elle n’est pas distribuée de façon équitable. L’excès d’épargne a par ailleurs provoqué un excès de demande. Les déséquilibres à court terme qui en résultent devraient s’atténuer si de nouvelles mesures de relance ne sont pas mises en place encore et encore. La solution à long terme consiste plutôt à construire une balançoire plus grande. En cherchant davantage à pousser cette épargne vers des investissements dans les infrastructures plutôt que vers la consommation, il sera possible d’apaiser la pression à court terme et de contribuer à augmenter la taille de l’économie, ce qui permettra de renforcer la demande totale avec un risque d’inflation moins prononcé.
Prendre des décisions difficiles
Avec la balançoire, c’est moi l’amortisseur : en retenant temporairement le siège ou en poussant, je peux maintenir l’équilibre. En économie, la politique monétaire est l’un des principaux amortisseurs. En cas de stimulation excessive, la Réserve fédérale américaine sera contrainte d’augmenter les taux d’intérêt pour compenser une relance trop marquée. Il est fondamental de trouver le bon équilibre entre les aides à court terme et les dépenses d’infrastructure à long terme. Nombreux sont ceux qui s’inquiètent du montant total des dépenses, mais l’équilibre des dépenses est plus important. Les dépenses d’infrastructures à long terme doivent se substituer à une relance à court terme, et non pas la compléter.
Quant à moi, je résoudrai le problème d’équilibre de ma balançoire en construisant un cadre plus grand ou en répondant « non » à mes petits-enfants s’ils veulent aller plus haut, une décision impopulaire s’il en est ! Pour l’économie, une balançoire plus grande offre également des choix intéressants. Mais la gouvernance passe par des décisions difficiles que nous sommes contraints de prendre.