L’intense volatilité économique causée par la crise du Covid-19 a plongé les investisseurs dans le brouillard. Les analyses traditionnelles du cycle économique ne comportent pas de données pour prendre en compte une pandémie mondiale, d’où la difficulté de savoir comment positionner les portefeuilles en vue d’un rebond du marché.
Une opportunité, cependant, se détache : les multinationales de qualité et en croissance, dont beaucoup ont atteint des valorisations inférieures d’un tiers à leurs sommets de début 2020. Fin mars, par exemple, l’indice MSCI ACWI Quality avait abandonné environ 20% par rapport à son précédent plus haut du 12 mars.
La trajectoire de la reprise économique quand le virus aura disparu reste entièrement ouverte. Aura-t-elle une forme de « W » avec l’application d’un second confinement, ou celle d’un « V », grâce à la libération de la demande contenue ? Quelle que soit sa forme, il semble probable que la reprise initiale sera suivie par une longue période de croissance lente.
Cet environnement post-reprise pourrait avoir des airs de déjà-vu, rappelant les 12 années qui ont suivi la Crise financière mondiale. La croissance est demeurée faible, les taux d’intérêt ont été maintenus à des niveaux bas et le capital est devenu bon marché. Résultat ? Le nombre d’entreprises capables de générer une croissance raisonnablement élevée de leurs bénéfices chaque année s’est réduit. De façon générale, seules les entreprises en croissance et de grande qualité en sont restées capables, et leurs actions ont surperformé.
Les actions de croissance présentent des décotes de valorisation
Ce sont certainement les mêmes entreprises qui continueront de prospérer dans l’environnement de croissance modeste qui suivra la crise du Covid-19. Grâce à des grands avantages économiques ou compétitifs, celles-ci bénéficient de tendances durables, telles que l’essor de l’informatique en nuage, l’expansion d’activités fondées sur la connaissance et peu gourmandes en capital, ou le vieillissement des populations. Le virus a peut-être interrompu l’économie pour l’instant, mais ces tendances puissantes resteront à œuvre dans presque tous les scénarios.
Cela ne signifie pas que les actions de ces entreprises vont toujours surperformer. Depuis la Crise financière mondiale, les actions « value » ont devancé le marché pendant au moins cinq courtes périodes. Et quand les actions commenceront à rebondir de la crise actuelle, il est probable que le style « value » progresse à nouveau plus vite et plus loin. Les gouvernements et les banques centrales ont lancé des mesures massives de relance budgétaire et monétaire, et la demande est actuellement contenue, de sorte que le premier élan de la reprise économique pourrait être soutenu. Et comme souvent dans ce type de situations, les actions « value » (dont beaucoup sont de faible qualité, assorties d’un levier financier et opérationnel) seront certainement les plus performantes pendant un bref moment.
Mais quand ce rebond économique marqué se placera sur le long chemin d’une lente expansion du PIB, alors les entreprises de qualité et en croissance devraient être les mieux placées pour prospérer sur le long terme. Mastercard en est un bon exemple. Depuis le début de la crise, les analystes ont réduit de plus de 10% leurs estimations de ses futurs bénéfices. Vers la fin mars, le cours de l’action avait chuté de presque un tiers par rapport à son sommet de mi-février. Il est rare d’avoir l’opportunité d’acquérir une telle valeur gagnante à des niveaux inférieurs de 25%-30% à sa valorisation précédente.
Les leçons tirées du Japon
L’exemple de l’économie et du marché actions du Japon permet d’imaginer de quoi pourrait être fait l’avenir. L’économie nippone lutte avec la déflation depuis les années 90, avec pour conséquence que les banques, dont les marges d’intérêt baissent, se négocient sur la base d’une faible valorisation, correspondant à 0,4 fois leur valeur comptable. Les Etats-Unis, au contraire, viennent d’entrer dans une période de taux d’intérêt nuls, probablement appelée à durer, et accompagnée de mesures d’assouplissement quantitatif. Comment donc les banques américaines pourront-elles justifier leurs valorisations d’avant le Covid-19, soit plus d’une fois leur valeur comptable ?
Il pourrait être tentant de se positionner sur une banque ou une autre entreprise bon marché en cas de rebond très prononcé du PIB pendant une courte période : après tout, leurs valorisations seront attractives. Mais si une reprise immédiate en forme de « V » est suivie d’une longue phase de croissance au ralenti, alors ce type d’actions ne sera pas performant, et vous serez pris dans le piège d’une fausse aubaine.
Un changement thématique résultera probablement de la crise du Covid-19 : la restructuration des chaînes d’approvisionnement. Globalement, les entreprises industrielles et de la consommation dans les pays occidentaux sous-traitent leur production dans d’autres parties du globe et leurs chaînes d’approvisionnement se sont allongées au cours des 20 dernières années. Elles ont ainsi pu accroître leurs marges bénéficiaires, réduire leurs dépenses d’investissement et disposer d’abondants flux de trésorerie qui leur ont permis d’effectuer des rachats d’actions.
Toutefois, la fragilité de ces organisations a été mise au grand jour par la crise. Les entreprises vont certainement réagir en diversifiant ces chaînes, sinon en les réintégrant dans leurs pays d’origine. Conséquence ? Des dépenses d’investissement plus élevées et des flux de trésorerie moins importants. Ces entreprises ne seront plus aussi rentables après la crise.
Dans l’environnement actuel, en rapide évolution, il importe de garder en mémoire que le virus ne va pas dominer l’actualité éternellement et que les marchés actions finiront par se redresser quand ils verront les premiers signes du rebond de l’économie mondiale. Au départ, les gagnants en seront peut-être les titres « value ». Sur le long terme, cependant, l’achat d’entreprises de qualité se négociant aux deux tiers environ de leurs prix d’avant la crise ne peut pas être une mauvaise chose.